2005-01-11

L'industrie pharmaceutique s'engage à plus de transparence

L'industrie pharmaceutique s'engage à plus de transparence
LE MONDE 08.01.05 13h58

Toutes les données sur les essais cliniques de médicaments vont être rendues publiques.
Les quatre principales organisations de l'industrie pharmaceutique mondiale ont annoncé, jeudi 6 janvier, une politique de transparence sur les données des essais cliniques de médicaments. Une décision qui intervient alors que l'image de l'industrie est écornée par plusieurs affaires où des laboratoires ont été accusés d'avoir dissimulé des données défavorables à leurs produits (Le Monde du 21 décembre 2004 et du 3 janvier).

La Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique et les fédérations américaine, européenne et japonaise (plus des trois quarts du marché mondial) ont décidé de se doter d'une charte qui sera appliquée par leurs adhérents. Reconnaissant que "d'importants bénéfices en santé publique sont liés à une information plus large des praticiens de santé, des patients et au-delà sur les essais cliniques", les laboratoires s'engagent à inclure les études engagées à partir du 1er juillet dans un registre des essais cliniques en accès libre et gratuit. Les essais déjà en cours devront y être inclus au 13 septembre. Les autorités américaines tiennent déjà un registre de ce type (http://clinicaltrials.gov/).
L'industrie pharmaceutique a dû faire face, aux cours des dernières années, à des mises en cause concernant des médicaments largement prescrits, dont le rapport bénéfice-risque s'est révélé moins positif que les laboratoires ne l'avaient laissé entendre.
L'américain Pfizer a ainsi été mis sur la sellette à au moins deux reprises. En 2000, une étude portant sur son anti-inflammatoire vedette Celebrex avait été publiée dans le Journal of the American Medical Association, faisant apparaître, au bout de six mois de traitement, des effets négatifs sur la muqueuse digestive moindres qu'avec un anti-inflammatoire classique. Les auteurs disposaient pourtant, au moment de la publication, de données à un an où cette supériorité avait disparu, mais ils n'en ont pas fait état. Le 11 décembre, le British Medical Journal (BMJ) révélait l'existence de documents internes à Pfizer selon lesquels la firme aurait été au courant d'effets secondaires préoccupants de son antidépresseur Zoloft sans les rendre publics.
Eli Lilly a, à son tour, été mis en cause : le BMJ affirmait, le 31 décembre, que le laboratoire américain avait dissimulé des effets secondaires néfastes de son antidépresseur Prozac. Des accusations que le groupe a vigoureusement réfutées.
GlaxoSmithKline, lui, est poursuivi par le procureur de New York, Eliot Spitzer, qui l'accuse d'avoir dissimulé des études sur son antidépresseur Deroxat, qui lui aussi serait susceptible de favoriser des comportements suicidaires ou agressifs chez des sujets jeunes.
RÉSULTATS NÉGATIFS
Fin septembre 2004, Merck a dû retirer précipitamment du marché son anti-inflammatoire à succès Vioxx. Dès 2000, des études montraient que la prise de ce médicament était associée à une augmentation du risque cardio-vasculaire. La mise en cause, en particulier dans ce dernier cas, ne touchait pas que le laboratoire mais aussi les instances de régulation qui avaient délivré l'autorisation de mise sur le marché (AMM). La Food and Drug Administration (FDA), l'agence sanitaire américaine, se retrouvait ainsi dans le collimateur.
Dans ce contexte, il apparaissait de plus en plus évident que les autorités sanitaires allaient rendre plus stricts les contrôles préalables à la mise sur le marché ainsi que le suivi des molécules commercialisées. Or, si aux Etats-Unis les firmes sont tenues de fournir les données complètes des essais publiés et versés au dossier de demande d'AMM, il ne leur est pas demandé - pas plus qu'en Europe - de communiquer les informations sur toutes les études entreprises sur les médicaments. Et encore moins de les publier. Plusieurs revues médicales ont réclamé la publication des études ayant donné des résultats négatifs.
Les responsables mondiaux de l'industrie pharmaceutique ont donc choisi de prendre les devants. Retenant le principe d'une publication "gratuite et accessible au public" des résultats d'essais cliniques, les fédérations soutiennent la constitution d'une base de données mondiale, en plus des bases gérées par chaque laboratoire.

Paul Benkimoun
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.01.05

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