2006-10-22

Article du Nouvel Economiste - suite

Article du 28/09/2006 de Charlotte Ripken, paru dans le Nouvel Economiste PACA.
(Merci à jean-g14 du forum Boursorama, lien verspost original)

---------Lâché par un big pharma, il sauve sa biotech---------

Dans le tout petit onde de la biotech française, les bonheurs financiers de cette envergure sont rares. Cette année, la biotech Nicox a engrangé 77 millions d'euros, 45 millions d'euros par une augmentation de capital,en avril. 32 millions, en contrepartie d'accords passés avec les "big pharmas" Merck et Pfizer, dont 15 en prise de participation , par Pfizer, dans la start-up. Pas assez pour tenir jusqu'aux premières ventes, prévient Michele Garufi. Le PDG fondateur de la société, aux commandes depuis 10 ans, annonce d'emblée que rien n'est joué. Mai le cru 2006 est plus que respectable, pour une société dont la réputation et le cours de bourse ont connu en 2003 une plongée dramatique.
Exceptionnellement peu dissert pour un Méditerranéen, humble, ou peut-être juste un peu pressé, le Milanais Michele Garufi tient la tenacité pour vertu cardinale, mais ne semble pas avoir tellement avoir envie de se gargariser de ses exploits. A l'écouter, on croirait qu'il a monté une start-up " avec quelques amis connus dans le monde du travail ", en passant deux ou trois coups de téléphone.Tout de même assez pour recruter LouisJ.Ignarro, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 1998, alors qu'il siégeait déjà au conseil scientifique de Nicox, créée depuis 2 ans.

------Le scrabble des molécules

La société s'installe à Sophia-Antipolis, pour rester près de l'Italie tout en répondant aux exigences de ses premiers investisseurs, Sofinnova et Apax. Son but : explorer les voies d'amélioration de médicaments existants ( par exemple, l'aspirine des familles ) en les manipulant pour qu'elles libèrent de l'oxyde nitrique. Ce dernier est utilisé depuis longtemps dans le traitement de l'angine de poitrine. Mais sa diffusion trop rapide dans l'organisme provoque des effets secondaires gênants ( maux de tête....) ou nuit à l'efficacité du traitement. La technologie de Nicox consister à fixer l'oxyde nitrique sur les médicaments au moyen de ponts chimiques permettant sa distribution progressive. Comme au Scrabble, ces molécules transformées constituent de nouvelles entités brevetables. " Le couplage de l'oxyde nitrique avec un médicament permet d'améliorer la tolérabilité et l'efficacité de ce dernier", explique Michele Garufi.
Nicox a ainsi modelé sa molécule phare, le naproxcinod, en partant du naproxin( naproxène en français ), un anti-inflammatoire classique. Cette combinaison rendrait la molécule plus aisément tolérable, l'oxyde nitrique protégeant la muqueuse gastrique. Le médicament perdrait au passage un inconvénient que partagent tous les anti-inflammatoires, celui d'augmenter la tension vasculaire. Propriété si gênante chez certains anti-douleurs, en particulier pour les patients hypertendus qu'elle a été à l'origine, à la fin de l'année 2004, du retrait du marché du Vioxx de Merck-un " blockbuster" pesant en chiffre d'affaires annuel 2.5 milliards de dollars.
Suivant les résultats des ultimes tests cliniques, Nicox saura donc à la fin de cette année si elle a donc en main un concurrent très crédibles des Vioxx et autres Celebrex ( la molécule de Pfizer ). En fonction des performances qui seront reconnues au naproxcinod, Michele Garufi table sur des ventes annuelles qui pourront atteindre 700 millions...ou dépasser le milliard d'euros.

-------Les vertus du pragmatisme dans les biotech

Cette molécule pleine d'avenir a pourtant failli couler la start-up. En 2003, à l'issue de la phase 2 des essais cliniques, AstraZeneca, partenaire de Nicox pour le développement du naproxcinod, émet des doutes sur son efficacité, via un communiqué lapidaire. La big pharma décide de ne pas poursuivre les tests cliniques sur la molécule " Ce n'est pas la seuls fois où j'ai vu une multinationale commettre ce genre d'erreurs, commente Michele Garufi. Les grands laboratoires font parfois des choix incroyables". Nicox récupère donc gratuitement sa licence. Mais perd le partenaire qui l'aurait aidé à financer la dernière phase des tests, la plus coûteuse ( 50 à 60 millions d'euros ), et surtout sa crédibilité vis-à-vis des investisseurs. L'action Nicox perd 80% de sa valeur en quelques jours. Cet accident de parcours contraint la société à redresser son modèle de développement, en se recentrant sur les molécules les plus prometteuses et les projets les moins riqués, dans les domaines de la rhumatologie et du cardio-vasculaire. La start-up doit ainsi abandonner ses projets de thérapies pout l'ostéoporose ou la maladie d'Alzheimer. Quant à savoir si elle ranimera un jour, " il ne faut pas toujours revenir sur les choses abandonnées", balaye le patron, d'un revers de sa philosophie très empreinte de pragmatisme. Les biotechs françaises, selon lui, en manquent cruellement. " Il faut apprendre aux gens à penser au développement qu'à la science pure. Il y a beaucoup de belles sociétés de recherche, mais il faut songer à générer des ventes assez vite."
En 2003, il se met en quête de nouveaux financements, mais ne les trouve plus qu'aux Etats-Unis." Aujourd'hui, au moins 60% du capital de nicox est détenu par des investisseurs outre-Atlantique. Parmi tous ces derniers bids que nous avons faits entre septembre 2004 et avril 2006, 90% sont américains." En tout, la société lève 26, puis 45 millions d'euros par des augmentations de capital réservées à certains investisseurs. " En Europe, nous avons été les premiers à recourrir à ce type de levée de fonds, qui n'était pas autorisée en France auparavant. Aux Etats-unis, c'est courant. Celà convient bien dans les moments critiques, lorsque la société n'est pas bien comprise par le marché." Les mésaventures des anti-douleurs finissent par susciter un regain d'intérêt pour le naproxcinod. " Le marché nous a aidé avec le problème du Vioxx...mais nous connaissions ses avantages sur les autres molécules dès le départ", insiste Michele Garufi.

---------Réussir la conversion en société commerciale

Merck, puis Pfizer, finissent par approcher la start-up. Pfizer en 2004, fait un premier essai de partenarait avec elle. Le leader mondial de la pharmacie et la biotech travaillent ensemble pendant un an sur un médicament contre le glaucome. Finalement, ils élargissent leur partenariat à l'ensemble de l'ophtalmologie. Pour le naproxcinod, Nicox attend de trouver le partenaire idéal, ce que lui permettent ses récentes fortunes financières.Contrairement à de nombreuses biotechs qui se contentent de vendre des molécules, elle compte bien accompagner ses médicaments jusqu'à leur commercialisation. " C'est el sens des accords que nous avons signés avec Merck récemment", confirme le PDG. La petite biotech travaille avec le grand laboratoire sur des traitements de l'hypertension. En 2006, Merck s'est garanti auprès de Nicox les droits exclusifs du développement de ces médicaments, moyennant un paiement initial de 9 millions d'euros. Mais Nicox se réserve la possibilité de les copromouvoir dans certains pays. " Si vous regardez les biotech qui ont survécu, toutes se sont transformées en sociétés commerciales" note Garufi." Par contre, leurs marchés sont souvent plus restreints que le notre. Elles ciblent plutôt les maladies orphelines ou soignées dans 10 ou 20 centres thérapeutiques à l'échelle d'un pays. Notre problème est que nousnous adressons à des marchés énormes. Notre modèle ne peut être exactement le même." A la fin de l'année, nicox emploiera un peu moins de 100 personnes, essentiellement en R&D, finance, et business-development. Comment une start-up de ce gabarit parviendra-t-elle à mobiliser une force de vente digne de rivaliser avec les armées innombrables des big pharma ? Ce derniers maîtrisent le marché, employant des dizaines de visiteurs médicaux." On peut le faire avec des forces de vente ciblées sur les spécialistes : cardiologues ( pour les molécules développées avec Merck ), rhumatologues ( pour le naproxcinod)...Ce sont eux qui lancent les nouveaux médicaments, avant que les généralistes ne commencent à les prescrire", prévoit Michele Garufi. Par son expérience professionnelle, il est lui-même un homme de partenariats et de marketing : il s'est chargé des politiques de licensing et de développement de filiales à l'international de plusieurs laboratoires.

--------La mutation du business-model

Pour la start-up, l'accès à son marché passe par un tournant en épingle à cheveux, un véritable changement de modèle qui se négocie 2 ans avant le lancement de la première molécule. Il lui faudra se présenter à tous les congrès pour faire connaître ses travaux, avant de songer à la phase de commercialisation elle-même." Les petites sociétés sous-estiment ces défis, les mésaventures de Nitromed ou de CVTerapeutics le montrent. Avec des ventes très inférieures aux prévisions, vous risquez de succomber aux frais commerciaux. quand vous entretenez une force de vente de 200 personnes, les compteur tourne...Ce n'est pas une transformation qui se fait en 6 mois. Nous avons déjà commencé à y réfléchir, pour devenir une société commerciale, à l'horizon fin 2008.

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