2005-01-29

Le Monde - Des bio-innovateurs réclament plus de moyens

Les biotechnologies passionnent décidément les politiques. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) examinait, mercredi 26 janvier, le rapport sur le sujet rédigé par le député Jean-Yves le Déaut (PS), tandis que son collègue Jean-Michel Dubernard (UMP) organisait une table ronde intitulée "recherche et biotechnologie". Quatre "grands témoins" avaient été conviés à éclairer les députés - une vingtaine -, "dans la perspective de la prochaine loi d'orientation et de programmation sur la recherche", que le Parlement aura à examiner avant l'été.

En préambule, Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), auteur d'un rapport d'information intitulé "A la recherche du temps perdu" (décembre 2004), a dit craindre que la France ne prenne le même retard pour les biotechnologies que pour les technologies de l'information : venant au cinquième rang mondial dans la part des brevets européens, avec moins de la moitié du portefeuille allemand, le secteur pâtirait d'une organisation "qui ne permet pas aux talents de s'exprimer pleinement".

Premier "grand témoin", Marc Bonneville, directeur à Nantes d'une unité Inserm et cofondateur, il y a cinq ans, d'Innate Pharma, qui compte aujourd'hui 50 employés, a regretté l'"embolie" des services de valorisation des organismes publics, qui ne peuvent faire face aux demandes de brevets des chercheurs. Et la rareté des porteurs de projet. Il a aussi souligné la nécessité de s'assurer au plus tôt de la qualité du projet en "prouvant le concept" et en prenant en compte sa faisabilité industrielle, un aspect souvent négligé.

Il a enfin souligné l'importance de la recherche fondamentale. Ses propositions ? Des plates-formes d'études animales, de génomique et de protéomique, ouvertes aux laboratoires publics et privés, et pour certaines thématiques (immunologie, neurodégénérescence), à vocation européenne.

Claude Feuerstein, neurophysiologiste et président de l'Association pour le développement des biotechnologies dans l'agglomération grenobloise (Adebag), a lui aussi souligné la nécessité d'"une recherche de base puissante, sans laquelle il ne peut y avoir d'innovation". Il a regretté que les incubateurs soient parfois évalués sur le nombre d'entreprises créées, et non sur leur viabilité et s'est prononcé en faveur d'un soutien public lors de la "phase précoce de preuve de concept, qui peut être particulièrement longue".

UNE SOIXANTAINE DE PROJETS SOUTENUS

L'Agence française de l'innovation (Anvar) ne dispose pas de fonds suffisants, a reconnu son représentant, François Gérard. Avec 10 % de ses 130 millions d'euros consacrés aux biotechnologies, seule une soixantaine de projets peuvent être soutenus.

Marc Vasseur, cofondateur en 1989 de la société Genset, rachetée en 2002 par le Suisse Serono, a été le plus direct : si l'attractivité de la France s'est bien améliorée, dans la biopharmacie, il faut toujours être en mesure de lever 600 millions d'euros avant d'espérer devenir profitable. Le coût de développement d'un médicament varie de 250 à plus de 600 millions d'euros. Mais l'essentiel, pour faire de la valorisation, insiste-t-il à son tour, c'est bien la recherche fondamentale.

Or, en biologie, "le secteur est sinistré en France, une véritable honte." La fuite des cerveaux ? "On ne voit pas bien ce qui pourrait les retenir", en termes de perspectives de recherche et de salaires. Impressionné par l'aide au retour de ses chercheurs déployée par la Chine, par la capacité de Singapour "à miser sur la matière grise", l'ancien chercheur se dit "pessimiste". A moins de "changements radicaux, tant en termes de structures que de financements".

Hervé Morin

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