2006-09-05

Accord Pfizer vu par le CIC 04/06

Pfizer, un accord important à plus d’un titre

Outre l’impact très favorable sur la trésorerie du groupe en 2006 (upfront de 5 M€, remboursement des coûts de R&D de 3 M€ et augmentation de capital réservée de 15 M€), cet accord avec le 1er groupe mondial pharmaceutique est important à plus d’un titre.

Un accord rapide, signe d’un intérêt aigu
Entre la phase de renouvellement de l’accord initial de R&D (22 novembre 2005) et l’accord de licence du 2 mars ne se sont écoulés que 3 mois, ce qui signe une procédure de prise de décision et de négociation ultra-rapide pour un groupe de cette taille.

La première cause de cette rapidité tient aux meilleurs résultats obtenus par le NOcomposé, dans des modèles animaux (cf communiqué conjoint à celui de l’accord) développés par Pfizer, par rapport à un composé de référence.
Pour que Pfizer ait été stimulé à ce point, il est plus hautement probable que le composé de référence utilisé soit le Xalatan, produit leader sur le marché du glaucome (hypertension intraoculaire) et 6ème produit du groupe en termes de ventes. La franchise ophtalmique, qui regroupe Xalatan et Xalacon (Xalatan + Timolol, un bêtabloquant) a réalisé un CA 2005 de 1 373 M$, en croissance de 12% (CA US 432 M$ +3% / CA reste du monde 940 M$ +16%).
Que le NO-composé testé soit meilleur que le Xalatan (dans des modèles animaux dont les résultats sont aisément transposables à l’homme) est sans conteste à l’origine de l’intérêt, voire de l’enthousiasme de Pfizer pour ce composé.

Un accord rapide, signe de l’importance critique du NO-produit
Le Xalatan, lancé par Pharmacia Upjohn en 1996 aux USA, a une 1ère échéance brevetaire le 26 juillet 2006 en fonction du brevet initial (4,599,353) accordé en juin 1983 et rallongé de 3 ans en fonction du « patent term extension under 35 U.S.C. 156 ».
Au-delà de 2006 et jusqu’en mars 2011, le produit reste protégé par un brevet d’indication et de formulation (5,296,504). Une décision de justice de juillet 2004, à l’encontre de Par Pharmaceutical (qui cherchait à copier ce produit), en a confirmé la solidité.

En fonction de cette échéance de mars 2011, le timing optimum pour lancer le successeur du Xalatan serait le T1/T2 2010. Ceci permettrait, dans l’intervalle de 12 mois, de convertir la majeure partie du marché US, puis européen dans la foulée, à ce nouveau produit et par conséquence de protéger une des franchises majeures du groupe.

En réalisant un calendrier inversé classique (durée de revue du dossier par la FDA de 12 mois, phases cliniques (III, II, I) sur une durée de 3 ans et demi à 4 ans) on s’aperçoit vite que le produit devrait déjà être entré en clinique humaine (courant du S2-2005) pour être lancé au S1-2010.
Cependant, ce calendrier théorique peut être condensé si le NO-médicament choisi par Pfizer pour un développement clinique est le NO-Xalatan.

Dans ce cas, chacun des constituants (Xalatan et NO) est connu par les agences réglementaires et il devient plus que probable que les exigences normales pour un produit inconnu (toxicité, métabolisme, …) soient assouplies pour des composés déjà connus par eux-mêmes.

En fonction d’une entrée en phase I au T3-2006 (correspondant à un processus accéléré de demande d’IND aux USA), il est possible, en accélérant le recrutement des patients dans chacune des études, d’anticiper une contraction de la durée des phases cliniques 3,5-4 ans à 2,5-3 ans qui rendrait possible un lancement en 2010e.

Nous faisons l’hypothèse d’une entrée en phase I en septembre 2006 (associée à un paiement de milestones), d’une entrée en phase IIa dés mai 2007 et d’une entrée en phase II/III au tout début 2008e (associée à un paiement de milestones). Nous estimons un dépôt de dossier auprès de la FDA au T2-2009 (associée à un paiement de milestones) puis une autorisation du produit .

Un accord large, signe de potentialités multiples
L’accord signé début mars 2006 englobe un accès exclusif à la technologie de libération d’oxyde nitrique (NO-médicament) pour toutes les indications ophtalmologiques (glaucome, dégénérescence maculaire liée à l’âge, rétinopathie diabétique, ….). A cela s’ajoute de potentiels milestones (194 M€) en cas de d’indication hors le domaine de l’ophtalmologie.
La largeur de l’accord du point de vue du segment thérapeutique ciblé montre que Pfizer a bien compris l’apport que peut représenter la technologie de NicOx pour adresser ces pathologies variées.
Des pathologies qui restent peu adressées et qui sont de surcroit en accroissement du fait du vieillissement des populations des pays développés.

Dégénérescence maculaire liée à l’âge, un marché d’au moins 4 MM$
La Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age (DMLA), qui correspond à une altération de la vision centrale (forme sèche) ou une déformation de l’image perçue (forme humide), est la première cause de malvoyance après 50 ans dans les pays industrialisés (fréquence de 8% chez les plus de 50 ans). On estime la population touchée dans les pays industrialisés à plus de 30 millions de patients.
Ce marché est partiellement adressé (formes humides) par Visudyne (Novartis), produit leader sur le marché de la DMLA (forme humide), qui génère un CA de 484 M$ au sein d’une franchise ophtalmologie de 834 M$. A noter que cette franchise est en cours d’évolution avec l’arrivée en 2007e de Lucentis (Genentech / Novartis) qui cible aussi la forme humide de la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age.

Glaucome, un marché de plus de 3 MM$
La fréquence du glaucome au sens large (augmentation de la pression intra oculaire avec ou sans dommage du nerf optique et altération de la vision) est estimée à 3% de la population des plus de 50 ans avec un minimum de 20 millions d’individus atteints dans les pays industrialisés. Le glaucome est la 2ème cause de cécité chez les patients de plus de 50 ans en raison d’un niveau de dépistage insuffisant (40-50% de la population).
Les altérations graves de la vision sont présentes chez 10% d’entre eux. Le diabète est un facteur aggravant.

Rétinopathie diabétique, un marché non adressé
La rétinopathie diabétique est la 3ème cause de cécité dans les pays développés avec une fréquence voisine de celle du glaucome dans les pays industrialisés. Selon l’OMS, après un diabète de 15 ans, environ 2 % des malades perdent la vue et environ 10 % sont affectés d'un grave handicap visuel.
La baisse de l'acuité visuelle attribuable à certains types de glaucome et de cataracte est également être plus fréquente chez les diabétiques.

Un accord qui précipite le second
La proximité des accords avec Pfizer et Merck laisse penser que les négociations préalables à ces accords ont évolué en parallèle mais surtout que la rapidité de décision de Pfizer à poussé Merck à conclure rapidement alors que les prétentions de NicOx (codéveloppement des produits issus de la collaboration) constituaient un écueil majeur.
Enfin, on ne peut s’empêcher de penser qu’au-delà des contrats signés par Merck et Pfizer, qui ciblent des axes thérapeutiques définis, l’intérêt des 2 entreprises pourrait se porter, le cas échéant, sur HCT3012 si le profil thérapeutique du produit (anti-douleur sans effet secondaire néfaste sur la pression artérielle) montrait un potentiel de marché similaire à celui de la classe des Cox-2 dont les 2 entreprises étaient les leaders.


Auteur : François Hamon, analyste au CIC

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