2007-11-24

JDF : Portrait de Michele garufi P-DG de Nicox

LE JOURNAL DES FINANCES - N° 6260 - 24/11/2007- PAGE 44

Portrait
Michele garufi P-DG de Nicox

Un alchimiste italien en passe de gagner son pari

AUDREY TONNELIER

Patron cosmopolite, Michele Garufi est à l'image de Nicox, la société de biotech qu'il a fondée : il ne laisse pas indifférent. Cet Italien installé à Nice depuis onze ans affiche avec conviction ses valeurs : pragmatisme, ténacité et humanisme.


« J'ai apprécié le soutien que la France apporte aux PME innovantes », déclare le patron de Nicox pour justifier son implantation niçoise.

Dès les premiers mots, l'accent est chantant, roulant, vif et doux à la fois. Dans un monde scientifique qui oscille trop souvent entre distance policée et crudité des diagnostics, on le comprend vite : Michele Garufi est un personnage à part.

Par ses choix d'abord : ce Milanais de 53 ans, chimiste de formation, a installé en 1996 le siège de sa société de biotech, Nicox, dans la région niçoise. Pourquoi l'Hexagone ? « J'ai travaillé avec la France dès le début de ma carrière, au sein de la filiale italienne du laboratoire Lipha, explique l'intéressé. J'apprécie le soutien qu'apporte votre pays aux PME innovantes. En 1996, mes deux premiers investisseurs étaient français et, lorsqu'on m'a proposé d'installer le siège de Nicox en France, Sophia-Antipolis m'a paru attrayante... et proche de notre centre de recherche, installé à Milan. »

La recherche, c'est la base de la biotechnologie, cette spécialitée pharmaceutique qui consiste à utiliser le vivant (gênes, cellules...) pour transformer des molécules en médicaments novateurs. Dans le cas de Nicox, la « recette » tient en quelques mots : ajouter de l'oxyde nitrique à des molécules afin d'en améliorer les performances. Une alchimie dont le produit le plus prometteur est l'anti- inflammatoire Naproxcinod. En ligne de mire pour Nicox, rien moins qu'un possible blockbuster (médicament générant plus de 1 milliard de dollars de revenus) sur le premier marché pharmaceutique mondial : les Etats-Unis.

Car Michele Garufi - c'est là sa deuxième originalité - n'a jamais réduit son univers professionnel à la frontière franco-italienne. Avant de fonder Nicox, ce « citoyen global », comme il se définit lui-même, a occupé des postes marketing et commerciaux en Espagne et en Allemagne, et dirigé les activités internationales de plusieurs laboratoires. « J'ai toujours su que la pharmacie deviendrait un business mondial », soutient-il. Le conseil d'administration et l'équipe dirigeante de Nicox reflètent cette conviction : des Italiens et des Français, bien sûr, mais aussi des Suédois, des Américains, un Néerlandais... Michele Garufi le reconnaît : « Dans ce métier, on ne peut rien faire seul. » C'est que la biotech nécessite d'avoir les reins solides : il faut souvent une quinzaine d'années avant d'engranger ses premiers bénéfices ! « Développer un médicament est le travail le plus difficile au monde, martèle l'Italien. Il faut être tenace, mais pas aveugle, et savoir abandonner des projets s'ils s'avèrent décevants. »

Celui qui avoue s'être laissé tenter par le côté « start-up » de la biotech pour ne pas rester « simple manager » revendique un discours « à l'américaine » : « Transformer la science en business, voilà notre métier. »

Une vie entre Nice et Milan

C'est sans doute ce pragmatisme qui a permis à sa société de se relever après avoir été brusquement « lâchée », en 2003, par le laboratoire AstraZeneca, alors partenaire financier pour le Naproxcinod.

Là encore, Michele Garufi refuse les stéréotypes : « A cause de ma nationalité, on a polémiqué sur mes emportements d'alors. Aujourd'hui, je ne suis plus fâché, juste déçu par le comportement de personnes qui n'ont pas agi correctement. » Avant d'ajouter, philosophe : « Il faut savoir combiner les aspects humains et professionnels. »

La preuve ? Quand on lui demande quel est son objectif actuel, Michele Garufi n'hésite pas : « Vendre un jour un médicament sous la marque Nicox. » Mais l'homme sait se projeter plus loin : « J'aimerais ensuite voir grandir mes enfants, passer du temps en Italie, et m'éloigner, qui sait, un jour, de la gestion opérationnelle de Nicox. » Divorcé - « au moment de la création de Nicox », précise-t-il pudiquement -, remarié à une Allemande avec laquelle il a deux jeunes enfants, ce patron atypique s'enorgueillit de façon touchante d'avoir élevé seul son premier fils, aujourd'hui âgé de 23 ans.

Michele Garufi partage son temps entre Nice, où sont basés les services financiers, commerciaux et administratifs de Nicox, et Milan, où est installée sa famille. Une double vie qui n'est pas près de prendre fin : avant, il aura fallu convaincre un laboratoire d'épauler Nicox pour commercialiser le Naproxcinod, terminer le développement, séduire les marchés... Le côté « pari » de ces activités ne déplaît pas au patron, bien au contraire. « J'ai toujours pris beaucoup de risques personnels. » Et si ses projets échouent ? « Je n'y crois pas, dit-il avec un sourire, mais nous avons de toute façon d'autres médicaments à faire valoir. Je ne partirai pas tant que la société ne sera pas stable. Pas question de quitter le navire trop tôt ! »



Cotée depuis 1999, Nicox est l'une des plus anciennes sociétés de biotechnologie françaises. Le récent parcours boursier chaotique du titre reflète la polémique à propos de sa valorisation, fondée à plus de 50 % sur le potentiel de son médicament phare, l'anti-inflammatoire Naproxcinod, dont les derniers tests se dérouleront l'an prochain. La demande de mise sur le marché est prévue début 2009. De sa réussite dépendront l'envolée des revenus et les premiers bénéfices du groupe. Sur les neuf premiers mois de 2007, la perte nette de Nicox a atteint 13,7 millions d'euros.

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